D’emblée Mgr Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface souhaite d’abord revenir sur la situation de Précieux-Sang. S’il peut comprendre la tristesse des fidèles, il explique que tous les quartiers ont un cycle et que cette décision se préparait depuis deux ans déjà. « La paroisse a eu son histoire. Nous sommes arrivés à un chapitre de son histoire où il n’y a plus suffisamment de paroissiens, pas seulement pour les finances, mais, en général, le manque de parois-siens pour une vie pastorale vivante et viable. Le quartier n’a plus de jeunes familles francophones qui vont à l’église. »
Mgr Albert LeGatt explique par ailleurs que ce manque de relève est dû notamment à des questions d’éducation. Cette situation était inévitable selon lui. « Quand les parents élèvent leurs enfants, les enfants ont eu une éducation et font des carrières. Ils se retrouvent dans d’autres quartiers comme Fort Whyte, ou même d’autres villes comme Vancouver ou pays comme Singapour. Les jeunes restent rarement là où ils ont été éduqués, c’est un phénomène qu’on voit partout dans la ville. Quant aux anciens, ils ont acheté un condo, vivent dans des établissements de soins de santé ou sont décédés. Cela a entraîné une baisse du niveau des paroissiens jusqu’à un niveau critique. »
Le responsable religieux donne d’ailleurs quelques données chiffrées qui démontrent la réduction de l’intérêt pour la messe francophone à Précieux-Sang. « Un dimanche typique à la messe de 9 h 30 de Précieux-Sang, il y a peut-être 30 personnes. À 11 h, pour la messe des Hispaniques, il y a 300 à 400 personnes. »
Quel avenir pour les messes en français?
Est-ce que la situation vécue par Précieux-Sang pourrait se propager aux autres établissements qui vivent en français? Présentement à Winnipeg, trois établissements donnent des messes en français unilingue. Il s’agit de la Cathédrale de Saint-Boniface, la Paroisse Saint-Eugène et la Paroisse des Saints-Martyrs-Canadiens. Mgr Albert LeGatt indique d’ailleurs que les fidèles de Précieux-Sang devront choisir entre ces trois lieux s’ils veulent continuer à avoir la messe en français.
Selon Mgr Albert LeGatt quelques éléments peuvent éviter à ces messes de finir comme celle de Précieux- Sang. En effet, avec les arrivées importantes d’immigrants, notamment d’Afrique, les communautés pourraient retrouver une forme de vita-lité. « Ça change beaucoup le portrait des paroisses uni-lingues francophones, notam-ment pour la Cathédrale. On voit des gens du Congo, du Burundi, du Rwanda ou encore de la Côte d’Ivoire. Quand ils viennent à Winnipeg, ils côtoient les paroisses franco-phones. Maintenant, lors de la messe régulière à la Cathédrale, j’ose penser qu’au moins la moitié des gens pré-sents viennent d’Afrique. Leur présence, c’est ce qui sauve la Cathédrale et qui assure que ça va demeurer une paroisse unilingue francophone. »
Se faire connaître
Si ces nouveaux arrivants apportent un nouveau souffle aux messes en français, encore faut-il que ces personnes soient au courant que ces établissements existent et sont prêts à les accueillir. Selon Mgr Albert LeGatt, le bouche-à-oreille reste notamment un bon moyen de communication. « Bon, je n’ai pas tant de choses à faire. D’une part les gens se connaissent et puis ils se parlent. Il y a aussi le rôle du prêtre d’origine congolaise Germain Kpakafi. Alors j’imagine que la paroisse, dans sa pastorale, faire ce qu’il faut pour se faire connaître et surtout accueillir les nouveaux arrivants de l’Afrique francophone. »
Alors que ces nouvelles personnes enrichissent la communauté religieuse francophone de Winnipeg, était-il possible de les diriger vers la paroisse de Précieux-Sang pour redynamiser cette communauté précisément? Selon Mgr Albert LeGatt, les personnes concernées ont fait d’autres choix. « Nous avions déjà une petite communauté africaine catholique qui s’appelle Saint Kizito. Elle existe depuis 25 ans et se rassemble depuis quelques années à Précieux-Sang. Saint Kizito est bilingue, mais principalement francophone. Mais ce qu’on a remarqué, c’est que la majorité des Africains francophones se sont plutôt dirigés vers la Cathédrale. Saint Kizito continuera dans l’Église Précieux-Sang, mais devra coopérer désormais avec Nuestra Señora. »
De manière générale, Mgr Albert LeGatt sait que la situation peut sembler inquiétante, mais reste optimiste. Il pense notamment aux paroisses de Saint-Eugène et des Saints-Martyrs-Canadiens où il y a encore plusieurs jeunes familles. Saints-Martyrs-Canadiens ont notamment encore un programme de catéchisme « très fort ». Mgr Albert LeGatt remarque pour conclure un clin d’oeil historique intéressant. « On est une église universelle. Le diocèse de Saint-Boniface, pendant 150 ans, a envoyé beaucoup de missionnaires en Afrique. Et maintenant, ce sont les fidèles africains qui viennent transformer et sauver nos paroisses. ».