Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, “c’est devenu une vraie question: les gens voulaient savoir s’ils pouvaient venir se réfugier ici”, raconte Christine McGuire, directrice du Diefenbunker devenu un musée à la fin de la Guerre froide.
Or, bien qu’il ait conservé l’essentiel des caractéristiques de l’abri anti-atomique qu’il était autrefois pour le haut commandement canadien, “il ne pourrait pas résister aux armes nucléaires actuelles”, souligne la responsable du complexe.
Construit secrètement au cœur de la Guerre froide dans un paisible village à une trentaine de minutes d’Ottawa, le bunker pouvait héberger plus de 500 personnes, dont le Premier ministre, en cas d’attaque nucléaire. Les familles, elles, n’étaient toutefois pas acceptées.
Survivre à l’apocalypse
De l’extérieur, le complexe de plus de 9.000 mètres carrés, soit l’équivalent de deux terrains de football répartis sur quatre niveaux, ne se résume qu’à un petit abri en métal et à une butte de terre. Dedans, un long tunnel anti-explosion mène à un dédale d’étroits couloirs blancs parsemés de bandes verticales noires.
“Les bandes sont là pour éviter d’avoir le sentiment que le lieu ne se referme sur vous”, raconte le guide de 67 ans, Graham Wheatley, en montrant le long couloir froid. “Elles donnent l’illusion que le plafond est plus haut qu’il ne l’est vraiment. Du moins c’est ce que disent les psychologues”, ajoute-t-il en riant.
Pièce après pièce, le bénévole fait voyager les visiteurs dans le Canada des années 1960, mettant en avant les spécificités techniques de cette installation hors normes.
Une cafétéria, une salle d’opération, un centre de contrôle, un studio pour la radio nationale ou encore une chambre forte pour accueillir l’or de la Banque du Canada, tout a été pensé pour que plus de 500 personnes survivent 30 jours sous terre. “C’est le temps que les radiations se dissipent”, explique la directrice du musée.
“La peur est encore bien réelle”
Démilitarisé à la fin de la Guerre froide, le Diefenbunker a rouvert sous la forme d’un musée en 1998, accueillant plus de 70.000 personnes par an.
Il constitue un “rappel significatif illustrant à quel point nous avons été proches de l’anéantissement pendant la Guerre froide”, affirme Christine McGuire.
En tout, environ 2.000 bunkers gouvernementaux et privés ont ainsi été construits au Canada, soit beaucoup moins qu’aux Etats-Unis ou en Europe, estime Andrew Burtch, historien de la Guerre froide au Musée canadien de la guerre.
“Au Canada, une grande partie de la planification était fondée sur l’hypothèse que les retombées radioactives seraient notre principale menace, et pas nécessairement des frappes directes sur les villes canadiennes”, ajoute l’expert.
“L’idée était que les Russes ne gaspilleraient pas leurs bombes ou leurs missiles sur le Canada, mais qu’ils viseraient plutôt les États-Unis.”
Avec l’invasion de l’Ukraine par Moscou, “on se retrouve aujourd’hui dans une situation similaire”, se désole l’expert. “C’est une période quelque peu déconcertante.”
Signe que ces tensions sont toujours d’actualité, le président russe Vladimir Poutine a annoncé mardi que Moscou suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire, se disant en outre prêt à renouer avec les essais atomiques.
“Cette peur (d’une attaque nucléaire) est encore bien réelle”, avance pour sa part la directrice du Diefenbunker qui dit recevoir de plus en plus d’appels à ce sujet.
“Les angoisses reviennent. Les tensions mondiales actuelles font revenir des fantômes de la Guerre froide”, lance Christine McGuire.
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