Inès Lombardo
Les membres du comité parlementaire sur l’analyse du projet de loi C-13 ont rejeté la proposition du conservateur Joël Godin d’obliger le fédéral à dénombrer les ayants droit.
Le projet de modernisation propose que le fédéral s’engage à « estimer » le nombre d’enfants qui ont le droit de se faire instruire dans la langue de la minorité anglophone ou francophone.
Qualifiant le verbe « estimer » de trop faible, Joël Godin a souhaité le faire remplacer par « dénombrer », afin de connaitre un nombre plus juste à son sens des ayants droit au Canada. Il s’est notamment appuyé sur un rapport publié en 2017 par le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des Communes, qui avait recommandé l’ajout de questions permettant de dénombrer tous les ayants droit au recensement de 2021.
Les ayants droit sont définis à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce sont : « (1) Les citoyens canadiens :
a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,
b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province, ont, dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue. »
Les outils du fédéral limités par la compétence des provinces et territoires
Un sous-amendement du libéral franco-ontarien Marc Serré a cependant changé la donne pour que la loi modernisée mentionne une « estimation » du nombre d’ayants droit, avec les « outils nécessaires ».
La sous-ministre adjointe aux Langues officielles Julie Boyer a notamment expliqué que d’autres outils que ceux dont dispose le fédéral pour recenser permettent de préciser les nombres, comme la liste des commissions scolaires des provinces par exemple.
Sa collègue Chantal Therrien a cité pour sa part la Loi sur la statistique, qui peut faciliter l’obtention de données provenant d’autres entités et sur lesquelles le fédéral n’a pas la main.
Selon les fonctionnaires, l’engagement du fédéral pour estimer le nombre d’ayants droit s’arrête là où l’obtention de données complémentaires relève de la compétence des provinces et territoires. Ils ont ainsi proposé de conserver une « estimation » du fédéral plutôt qu’un « dénombrement », puisque le fédéral n’en a pas la capacité.
« L’amendement de M. Godin propose de transformer un engagement en une obligation […] et essaie de corriger le fait que [le fédéral] n’a pas tous les leviers. Si on veut compter les ayants droit, il faut un appui avec les autres outils des provinces et territoires » a réaffirmé la sous-ministre Boyer.
« Arrêtez de nous faire avaler que “estimation” est plus fort que “dénombrement” », s’est agacé le député Godin. « Statistique Canada a demandé l’ajout [du mot « dénombrement »] au formulaire du recensement de 2021. C’est quoi cette résistance pour faire en sorte qu’on ne se donne pas les outils pour mieux servir les minorités [de langue officielle, NDLR]? »
Après l’adoption de la proposition de Marc Serré plutôt que la sienne, le député conservateur Joël Godin a déploré : « On n’aura pas le portrait réel. En bout de ligne, il y a de l’argent raccordé à ça, donc les minorités francophones vont perdre, parce que ce ne sera pas une surestimation, mais une sous-estimation [du nombre d’ayants droit] ».
Le Comité permanent des langues officielles reprendra l’analyse du projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles le 7 mars.