Le chef du gouvernement canadien avait eu recours à une loi rarement utilisée en temps de paix pour déloger les camionneurs du centre-ville d’Ottawa, mobilisés pendant trois semaines de manifestations contre les restrictions sanitaires liés à la COVID-19.
Le Premier ministre “craignait raisonnablement que la situation à laquelle il était confronté puisse dégénérer et risquait de devenir dangereuse et ingérable”, est-il indiqué dans un rapport de plus de 2.000 pages rendu public vendredi.
“J’en conclus que lorsque la décision a été prise d’invoquer la loi, le cabinet avait des motifs raisonnables de croire qu’il existait une crise nationale (…) et que cette crise exigeait de prendre temporairement des mesures spéciales”, a déclaré vendredi Paul Rouleau, président de la commission d’enquête en remettant son rapport.
Ainsi, le gouvernement était confronté à “une menace de violence grave à des fins politiques ou idéologiques. Des extrémistes étaient présents lors des manifestations et les encourageaient”, note encore le rapport.
Il y a par ailleurs eu “de nombreuses menaces” contre des fonctionnaires, y compris le Premier ministre, a déclaré M. Rouleau. Par conséquent, “l’invocation de la loi était appropriée”. Il s’agissait d’une “mesure radicale, mais non dictatoriale”.
“Depuis le début, ce gouvernement était confiant que c’était une décision responsable”, a déclaré Justin Trudeau, en réaction aux conclusions du rapport. “On est tous d’accord qu’on aurait jamais dû en arriver là”, a-t-il toutefois reconnu lors d’un point presse.
La commission s’est réunie pendant six semaines pour entendre de nombreux manifestants et représentants gouvernementaux dont M. Trudeau, qui a été vivement critiqué par l’opposition et des associations de défense des droits et libertés pour avoir eu recours à cette disposition.
L’Association canadienne des libertés civiles, qui conteste le recours à cette mesure en justice, a ainsi une nouvelle fois estimé qu’il “n’était pas justifié l’hiver dernier” et qu’il constituait un “pouvoir dangereux pour tout gouvernement actuel ou futur”.
En outre, la commission a conclu que cette crise pouvait être considérée “comme un échec du fédéralisme”.
Le rapport contient donc 56 recommandations visant à perfectionner le partage de renseignements entre services, la réponse de la police aux manifestations de grande ampleur et la loi sur les mesures d’urgence elle-même.
Minimisé au départ par les autorités, le mouvement de contestation était parti de camionneurs protestant contre l’obligation d’être vacciné pour passer la frontière avec les Etats-Unis, puis s’est élargi à un refus général des règles de santé publique au Canada lors de la pandémie de COVID.
Les manifestants étaient allés jusqu’à bloquer un pont entre la ville canadienne de Windsor et la ville américaine de Detroit, paralysant une route commerciale essentielle pour l’industrie, notamment automobile.
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