À travers sa série Blackwater lake, l’artiste winnipégoise vous invite à découvrir son univers, curieux et saisissant.
Dans la galerie contemporaine de la Maison des artistes, les vitraux de Jocelyne Le Léannec partagent l’espace avec des sculptures en verre fondu et habillent la salle. Un poisson de verre, pendu au bout d’un hameçon, se balance devant le nom de l’exposition : Blackwater lake.
« Blackwater lake est un endroit imaginaire inspiré de Clearwater lake, dans le Nord de la province. Là-bas, il existe un chemin de randonnée appelé « the caves ». Il fallait passer entre les roches et dans les crevasses, ça devenait sombre et un peu effrayant. » Cet endroit, que Jocelyne Le Léannec a beaucoup fréquenté en grandissant, explique beaucoup de l’univers artistique de la jeune femme. Son « obsession » pour les poissons, car la pêche était l’activité principale de la famille Le Léannec lors de ses visites à Clearwater lake. Mais aussi le fait que les inquiétantes « caves » puis- sent exister au même endroit que le lac beaucoup plus féerique. Car c’est là l’essence même du travail de Jocelyne Le Léannec, jouer sur la dualité entre l’ombre et la lumière, la vie, la mort et l’équilibre entre les deux.
Avant de s’intéresser au verre, Jocelyne Le Léannec travaillait dans l’animation et la vidéo. En 2012, avec son court- métrage : À LA CARTE, elle avait remporté le Viewers Choice Award au festival
Cinémental. En 2016, elle remporte le prix du meilleur film et de la meilleure collaboration au concours F-Words du Winnipeg Film Groups pour son animation : WALRUS SAUSAGE : « Mes courts-métrages étaient déjà effrayants, mais toujours avec une pointe d’humour noir. » Déjà la patte macabre et décalée de Jocelyne Le Léannec se faisait ressentir. L’univers est donc resté le même, mais le médium a fini par changer.
« J’ai fini par en avoir assez de travailler sur mon ordinateur toute la journée, j’ai eu besoin de faire quelque chose avec mes mains. »
Jocelyne Le Léannec
Changement de medium
« J’ai fini par en avoir assez de travailler sur mon ordinateur toute la journée, j’ai eu besoin de faire quelque chose avec mes mains. Je me suis essayée à la poterie, la peinture, et puis j’ai essayé le vitrail et j’ai adoré. »
Pour autant, la winnipégoise n’a pas totalement rompu avec son passé d’artiste digitale.
Deux grands rideaux noirs font office de portes pour accéder à la deuxième pièce. Plongées dans le noir, les images projetées donnent l’impression que la pièce est immergée. Ici, l’univers du numérique et celui du vitrail se mélangent pour créer une atmosphère aux antipodes de la pièce précédente, renforçant davantage la dichotomie qui est au centre du travail de l’animatrice.
« Quand j’ai commencé à travailler le verre, il y a une dizaine d’années, je n’avais pas dans l’idée de mélanger les deux médiums. Un jour, par accident, j’ai projeté de la lumière sur l’un des vitraux et je me suis dit que ça pouvait être génial, raconte-t-elle. Je peux créer un environnement, une atmosphère dans lesquels les gens peuvent se baigner aussi longtemps qu’ils le souhaitent, c’est une expérience. »
Mélanger les arts
Seulement voilà, tous les vitraux de l’artiste digitale n’ont pas vocation à être animés. Elle confie : « Je me concentre d’abord sur le travail du verre. Une fois que je le mets en place parfois je visualise quelque chose et j’y ajoute les lumières. » Car pour celle qui a passé une bonne partie de sa carrière à en faire, l’animation n’est l’affaire que de quelques heures. « Dès que je visualise quelque chose, le mettre en lumière ne me prend pas trop de temps. En revanche les vitraux me demandent beaucoup plus de temps, environ 40 heures de travail. »
Finalement, les projections donnent naissance à une toute nouvelle œuvre, ou une œuvre dans l’œuvre. D’abord, la pièce en verre, tangible et concrète. Puis sa projection sur les murs blancs de la galerie contemporaine, qui devient alors une pièce à part entière.
Par exemple, les trois poissons volants qui se suivent en file indienne se transforment en un groupe de six, une petite agrégation.
L’univers de l’artiste est à découvrir à la Maison des artistes, 219 boulevard Provencher, jusqu’au 4 mars.
- Jocelyne Le Léannec: Marta Guerrero