Heureux les étudiants d’anglais langue seconde, car ils n’auront jamais à se demander si tel objet est masculin ou féminin. Dans la langue de Shakespeare, tous les objets sont du genre neutre et ne s’emploient qu’avec les deux pronoms « it » et « they ».
Pour leur part, les courageux étudiants qui apprennent le français doivent mémoriser d’interminables listes de noms féminins d’un côté, masculins de l’autre. Et pas question de confondre les genres : une page n’a rien à voir avec un page ni une moule avec un moule!
Comme si cela n’était pas assez compliqué, rien ne permet de deviner si un objet est féminin ou masculin en français. Le genre des objets et des choses est totalement arbitraire et ne répond à aucune règle. Pourquoi la mer et le ciel, la montagne et le soleil, la chaise et le fauteuil? Mystère! L’usage en a décidé ainsi, voilà tout.
À qui la faute? Au latin, langue mère du français qui lui a légué cette étrange habitude de genrer TOUS les noms, y compris ceux qui désignent des objets. Le latin, cependant, disposait d’un troisième genre, le neutre, qui désignait essentiellement les choses, alors que le masculin et le féminin étaient la marque des êtres animés (humains et animaux).
Au fil des siècles, le français a abandonné progressivement l’usage du neutre et a fusionné ce genre avec le masculin, tout simplement parce que les deux formes se ressemblaient. En parallèle, un grand nombre de mots féminins ont été forgés par l’ajout d’une ou deux lettres finales au mot masculin.
Exemple : (un chat) / une chatte. C’est ce qu’on appelle la « marque » du féminin.
Le masculin, proche de l’ancien neutre et genre « non marqué », se prêtait bien à désigner les choses et les êtres de façon générique, c’est-à-dire sans distinction de genre. Ainsi, le mot « chat » peut décrire non seulement un mâle ou une femelle, mais aussi toute l’espèce, alors que le mot « chatte » désigne nécessairement une femelle.
La forme non marquée (c’est-à-dire le masculin) s’applique aussi lorsqu’il faut accorder des noms de genres différents (« sa fille et son garçon sont intelligents ») ainsi que pour exprimer des notions impersonnelles (« il fait froid », « boire est important ») ou indéfinies (« ils ont encore augmenté les prix au magasin »).
Ces usages multiples du masculin ne visent nullement à marquer la supériorité d’un genre sur l’autre. Ils ne sont que le résultat de l’évolution historique et morphologique de la langue française qui, contrairement à sa réputation et aux apparences, n’est pas misogyne.
Un peu plus de la moitié seulement des noms en français sont masculins. Un gros tiers sont féminins et les quelque 10 % restants sont des noms qui acceptent les deux genres, comme spécialiste, enfant, géologue, journaliste, juge, élève, adulte, collègue, locataire, gendarme.
De plus, bon nombre de noms féminins désignent indifféremment un homme ou une femme. Exemple : une personne, une recrue, une vedette, une canaille, une brute, une victime. Situation ironique, on s’adressait autrefois au roi de France, l’homme le plus puissant du pays, en employant le mot féminin « majesté » (« Votre Majesté a-t-elle bien dormi? »), alors même que la loi interdisait l’attribution de la couronne aux femmes!
Soulignons enfin que plusieurs espèces animales portent un nom féminin unique qui vaut pour les mâles comme pour les femelles. Par exemple, la baleine, la girafe, la panthère. Le roi de la jungle a beau être un lion, dans les mers et les océans, c’est la baleine qui règne!