Le ministre des Finances Cliff Cullen, accompagné de la première ministre du Manitoba Heather Stefanson, a dévoilé le budget 2023-2024.
La Province a donc déposé un budget déficitaire de 21,9 milliards $, avec une hausse des dépenses de 10 % par rapport à 2022. Le déficit prévu est de 363 millions $, contre 548 millions $ en 2022.
Dans la forme, le ministre a plusieurs fois décrit ce Budget 2023 comme « une aide histo-rique pour les Manitobains » qui va les aider « à joindre les deux bouts ».
Sur la manière d’annoncer les choses, Michel Lagacé, éditorialiste à La Liberté, rappelle que nous sommes face à des hommes et des femmes politiques qui ont l’habitude de ce genre d’évènement.
« Un des buts premiers du budget, c’est faire de la politique. On a voulu montrer qu’on faisait des choses jamais faites, des coupures d’impôts les plus imposantes, des augmentations de dépenses les plus imposantes, tout ça, c’est du bruit. Quand on a fini de faire ça, on peut regarder aux chiffres et voir ce qu’il en est réellement. »
Pas de surprise
Félix Mathieu, professeur adjoint en sciences politiques à l’Université de Winnipeg, rejoint l’avis de Michel Lagacé. « Règle générale : ce n’est pas un budget surprenant, si on suit la ligne narrative d’Heather Stefanson depuis janvier 2022. En décembre 2021, elle a fait son premier discours du Trône, elle axait énormément sur la réconciliation, sur la commu-nication avec la société. Elle voulait se distinguer de Brian Pallister.
« Graduellement, elle s’est un peu éloignée de son discours. Ce que je retiens dans ce budget, c’est qu’on essaye d’aller récupérer le soutien de ceux et celles qui ont voté pour le Parti progressiste-conservateur.
« Elle l’a d’ailleurs très bien résumé elle-même en disant que le Cabinet était progressiste sur le plan social et conservateur sur le plan fiscal. »
La question fiscale a d’ailleurs été le premier sujet évoqué par le ministre des Finances, Cliff Cullen. Le gouvernement a notamment annoncé un allégement fiscal de 311 millions $ grâce à la hausse du montant personnel de base provinciale en 2023, permettant ainsi à une famille moyenne à deux revenus d’économiser plus de 1 000 $ en impôt sur le revenu cette année. Aussi, ce budget du gouvernement manitobain a annoncé augmenter le niveau de revenu à partir duquel les gens commencent à payer de l’impôt de 10 145 $ présentement à 15 000 $.
D’autres chiffres ont marqué Michel Lagacé, notamment du côté des revenus. « On augmente les revenus en 2023 de 11,2 % par rapport au budget de l’an passé, ce qui est quand même énorme. Et du côté dépenses, pour un gouvernement qui a toujours parlé d’austérité, de responsabilité fiscale, de contrôles des dépenses et réduction des déficits, il augmente quand même les dépenses de 9,9 %. C’est un gros pas encore, c’est plus que l’inflation. »
Pour rappel, selon la Chambre de commerce de Winnipeg, l’indice des prix à la consommation (IPC) pour tous les produits au Manitoba a augmenté de 8,0 % en décembre 2022.
En élections
Mais d’autres domaines n’ont pas été abordés dans le budget comme la question de la réconciliation. Le budget parle de « financement continu » pour l’ouverture d’une clinique à Winnipeg dirigée par des personnes autochtones ou encore d’ « une hausse des investissements dans les acti-vités minières, afin de créer des occasions pour les collectivités autochtones et du Nord ».
Cependant aucun chiffre n’est avancé. Un fait marquant pour Félix Mathieu. « On s’éloigne significativement des premiers discours de la première ministre. L’enjeu de la réconciliation n’est plus qu’une sous priorité de l’axe Aider à bâtir des collectivités plus fortes du discours du Trône 2022. Alors que dans le premier discours et dans la course à la chefferie, c’était un objectif central. La réconciliation a été relayée à un rang inférieur des priorités du gouvernement. »
À noter qu’Eileen Clarke ne se représente pas aux pro-chaines élections provinciales.
Un autre domaine a été négligé, celui de l’environnement. Félix Mathieu confirme. « On parle de l’environnement avec le Fonds d’allégement de la taxe sur le carbone. Sauf que ce fonds d’allégement vise à retirer un fardeau fiscal d’une politique sur le carbone pour lutter contre le changement climatique. Donc on voit que le dossier de l’environnement n’est pas du tout une priorité du gouvernement. »
Alors que ce budget a beaucoup appuyé sur les investissements records et les dépenses importantes, il est nécessaire de remarquer que ces annonces interviennent à quelques mois des prochaines élections provinciales.
Poser les fondations
Michel Lagacé n’est pas dupe et imagine des difficultés pour le futur gouvernement après les élections. « Là où ça va faire mal, en 2024, à moins qu’un nouveau gouvernement change ce que celui présentement en poste promet, c’est qu’on va changer les tranches fiscales l’année prochaine.
« Par exemple, si quelqu’un gagne 50 000 $, au lieu de payer 16 % d’impôts, ça sera 13 ou 14. Il y a donc une grosse diminution d’impôts en 2024 selon ce budget. Je pense que le gouvernement en poste joue donc un petit tour au prochain gouvernement. »
Félix Mathieu abonde dans le même sens. « C’est absolument un budget électoraliste. Ce n’est pas une surprise, si le Nouveau Parti démocratique (NPD) avait été au pouvoir, la réalité aurait été la même. C’est une constante en politique canadienne. Le budget sert à poser les fondations sur lesquelles on va asseoir les grands axes du prochain programme politique.
« Le prochain gouvernement sera dans une position délicate. Si on veut revenir sur l’imposition, les citoyens pour-raient avoir le sentiment qu’on leur reprend de l’argent promis.
« Du côté du NPD, le parti n’a toujours pas sorti son propre cadre budgétaire pour montrer leur alternative aux Manitobains et Manitobaines. »
Les prochaines élections provinciales devraient avoir lieu à l’automne 2023.