Après l’abolition des écoles confessionnelles et après avoir perdu son statut officiel en 1890, c’est un autre coup en pleine figure que reçoit la langue française le 10 mars 1916.
Jusque là, les deux langues cohabitaient partout dans la province. C’est pendant ces années là que les francophones sont devenus minoritaires.
L’objectif était clair : faire disparaître le français.
Alors le dos au mur, la francophonie va décider de mordre, de se faire clandestine
Guy Jourdain, aujourd’hui retraité, a consacré toute sa vie aux langues officielles. Il revient sur l’une des formes qu’a pris cette résistance : « Quand les inspecteurs d’écoles se présentaient lors de visites surprises, les enfants cachaient leurs livres français. Au risque de perdre leur brevet, les enseignants continuaient d’instruire les élèves en français en catimini. »
De manière générale, et Guy Jourdain le confirme, ces années ont été « extrêmement néfastes » pour la francophonie. « La loi Thornton, qui s’appliquait dans le domaine de l’éducation, est certainement celle qui a eu les effets les plus prononcés parce qu’elle a touché les gens dans leur quotidien. C’était la langue dans laquelle on recevait son éducation. »
Le coût de ces lois
Les francophones ont joué un rôle crucial dans la création du Manitoba. Les Voyageurs se sont installés avec les populations autochtones, ensemble ils ont donné naissance à la Nation Métis. Lorsque le Manitoba rejoint la confédération canadienne, en 1870, la Province est en grande majorité francophone. Les mesures répressives auront donc coûté cher au microcosme français du centre du Canada.
« Ça a retiré aux groupes francophones le statut particulier dont ils jouissaient. Le français et l’anglais avaient un statut officiel au niveau de l’Assemblée législative et dans les tribunaux, des terres étaient garanties pour les Métis. Il y avait aussi des garanties pour protéger les écoles catholiques et protestantes. Il y avait une série de mesures mises en place pour tenir compte du rôle prédominant des Métis et des francophones de la société manitobaine. Sur une période de 20 ans, tout a été effacé. »
Alors qu’il y a 107 ans, on se cachait pour parler le français, aujourd’hui la francophonie est fière au Manitoba. Elle se crie, elle s’apprend, elle s’écoute et elle se célèbre mais surtout, elle est comprise.
« Aujourd’hui, avec les écoles d’immersion, il y a de plus en plus d’anglophones qui, non seulement, sont bilingues mais aussi comprennent les besoins et les aspirations de la francophonie. » Pour celui qui a longtemps été représentant du Commissaire aux langues officielles, « cela joue un rôle clef » dans cette nouvelle société manitobaine.