Inès Lombardo
Le syndicat, qui représente plus de 7500 agents correctionnels fédéraux au pays, a publié le 6 mars 2023 un communiqué pour signaler «une atteinte significative, préoccupante et inédite à l’esprit de la Loi en matière de langues officielles».
En février, lors de la première ronde de négociations de la convention collective concernant les fonctionnaires, l’UCCO–SACC–CSN avait demandé une traduction simultanée des échanges, alors uniquement en anglais. Le Conseil du Trésor avait refusé, mais proposé de partager 50 % des frais de traduction avec le syndicat.
«Pour des raisons de couts, le Conseil du Trésor veut passer outre ou veut nous refiler 50 % des frais de traduction. D’habitude, dans les autres rondes [de négociations], il fournissait toujours un service de traduction pour les négociations. Nous sommes un syndicat bilingue, c’est important pour nous», déclare Frédérick Lebeau, vice-président national d’UCCO–SACC–CSN.
Frédérick Lebeau n’est pas « fermé » à payer des frais de traduction, puisque la «majorité des autres syndicats de la fonction publique paie 50 % des frais de traduction ou négocie seulement en anglais». Mais il aurait bien aimé être averti avant cette ronde de négociations : «Nos budgets sont votés une fois tous les trois ans. Présentement, on n’a pas ce budget.»
« C’est la première fois que le Conseil du Trésor nous oblige à négocier dans une langue ou dans l’autre, que ce soit en français ou en anglais », réagit vivement le vice-président.
Le Conseil du Trésor peu enclin à plier
Dans son communiqué, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) affirme que : « Le gouvernement fédéral se justifie en invoquant la nécessité d’avoir recours à des traducteurs externes et mentionne au passage que de toute façon, le Commissariat aux langues officielles n’a pas le pouvoir de le forcer à fournir et à financer la traduction simultanée à la table de négociation ».
Dans un courriel adressé à Francopresse, Monica Granados, attachée de presse au sein du Cabinet de la présidente du Conseil du Trésor, défend la position du gouvernement : « Pendant les négociations, les deux parties partagent le cout des traductions à parts égales. Pour les négociations avec le Syndicat des agents correctionnels du Canada, nous payons notre juste part et, de plus, nos négociateurs sont bilingues. »
Mais selon Frédérick Lebeau, même si le syndicat offre ses services dans les deux langues, certaines personnes ne parlent pas français ou anglais.
Le vice-président a suggéré au gouvernement négocier dans les deux langues, mais d’après lui, le Conseil du Trésor reste « intransigeant ».
« On trouve ça aberrant qu’un gouvernement qui se dit prolinguistique et qui travaille dans les deux langues, qui doit avoir des tonnes de traducteurs [fasse cela]. Pour nous, c’est une question de principe. Le Conseil du Trésor a sorti un lapin de son chapeau », estime-t-il.
Le syndicat a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO) le 8 février dernier, après la première ronde de négociations pour leur convention collective.
Sollicité par courriel, ce dernier se réserve le droit de commenter : « Le processus négociation collective comportant son lot de particularités, il est difficile pour le commissaire de se prononcer sur l’enjeu soulevé, puisqu’un grand nombre de variables entrent en ligne de compte. De plus, afin de préserver l’équité procédurale en cas de plainte qui lui serait transmise à ce sujet, le commissaire s’abstiendra donc de commenter le dossier. »
« La position du gouvernement est indéfendable »
Déjà, le 16 février, dans une lettre obtenue par Francopresse, le député néodémocrate Alexandre Boulerice déplorait la décision du Conseil du Trésor : « Bien que le gouvernement allègue vouloir protéger le français en déclin partout au pays en bonifiant les droits linguistiques de la minorité francophone, encore faut-il appliquer les droits linguistiques déjà existants sous le régime actuel. Au demeurant, la justification du gouvernement pour agir comme il le fait est indéfendable. »
Son collègue du Bloc québécois Mario Beaulieu avait également dénoncé la situation : « Parce qu’il veut négocier en français, le syndicat doit payer la note. Si le comité de négociations parlait entièrement anglais, il n’y aurait pas de traduction, donc pas de frais. Ce nouvel écueil ne fait que confirmer qu’à Ottawa, la seule réelle langue officielle, c’est l’anglais. »