Boni Kadio
Baisse des commandites, fermeture des salles, annulation des spectacles et de programmations en tous genres : les mesures sanitaires liées à la COVID-19 ont profondément affecté l’industrie culturelle, en particulier les revenus de ses professionnels.
Plusieurs acteurs du milieu, dont David Hope, directeur général de l’Action Funds Canada (AFC), déplorent « le départ de plusieurs artistes et employés », « une perte de revenus » et « l’endettement et l’épuisement des artistes », en raison des délais dans la reprise des activités culturelles.
Certains ont même opéré une « reconversion totale » pour subvenir à leurs besoins, souligne la directrice générale de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC) Lindsay Tremblay.
Le secteur des arts de la scène et des festivals a été le plus durement touché, avec une baisse de 52 % des ventes et de 36 % des postes entre 2019 et 2020.
Mais malgré toutes ces difficultés, le secteur se relève tant bien que mal, note la directrice. Selon Statistique Canada, les spectacles sur scène ont enregistré une hausse de 3 607 emplois (+5,3 %) au troisième trimestre de 2022.
Une relance « fragile » et inégale
« Mais pour nous [le théâtre], la relance va être longue, va prendre plusieurs années, nuance Lindsay Tremblay. La relance dans le milieu culturel et artistique en général est encore fragile. »
Même son de cloche du côté de David Hope : « La reprise va prendre du temps avant de retrouver son état prépandémique en raison de l’impact profond laissé par la pandémie. »
Le directeur fait en outre état d’une reprise inégale dans le secteur : « Les industries du film et de la télévision ont repris leurs capacités plus vite que le milieu des arts vivants […] Les professionnels de ce milieu, continue-t-il, se cherchent encore, sont entrain de récupérer. Beaucoup sont pigistes donc n’ont pas de revenus constants et ont perdu leur emploi. »
La réactivation des arts
Pour pallier ce manque, le gouvernement fédéral a mis en place plusieurs fonds de soutien et d’urgence visant à soutenir la relance de l’industrie culturelle.
Le 6 juillet 2022, l’AFC a annoncé la création du Programme de réactivation. Financé par le Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada (FRTSSSC) de Patrimoine canadien, il vient donner un coup de pouce allant jusqu’à 2500 $ aux artistes et artisans des arts de la scène Québec pour les aider à couvrir leurs frais de subsistance de base.
L’AFC compte verser jusqu’à 12 millions en appui financier.
Un malaise plus profond
« Le secteur a besoin de plus de soutien financier de relance des bailleurs à tous les niveaux ; fédéral, provincial, municipal, pour refléter les besoins des professionnels du milieu et encourager la relance », déclare Lindsay Tremblay.
La directrice s’inquiète que le Programme de réactivation de l’AFC ne soit pas renouvelé. « Le gouvernement doit comprendre qu’on va continuer d’avoir besoin du soutien de relance, insiste-t-elle. Les décisions concernant le milieu ne viennent pas juste d’en haut. »
Mais pour la directrice de l’ATFC, « la crise pandémique n’a fait qu’accentuer les difficultés que vivaient déjà le milieu du théâtre en particulier et le milieu culturel en général », et ce malgré les aides gouvernementales.
Selon la directrice générale, « le gouvernement fait des efforts, mais il faut aussi travailler ensemble. Il ne faut pas que des décisions concernant le milieu des arts et de la scène vienne juste d’en haut, mais il faut faire participer le milieu dans la prise de ces décisions ».
De la nécessité de repenser le milieu
La crise pandémique a montré les limites du « travail en silo » dans le milieu et la nécessité d’opérer des changements, estime Lindsay Tremblay. Il est plus qu’important, d’après elle, que « le milieu des arts et [celui de] la culture en général travaillent ensemble afin de réfléchir à des façons de faire autrement ».
Autrement dit, penser à des modèles innovants en matière de production, de distribution et de consommation, pour faciliter notamment la mobilité des œuvresartistiques, encourage-t-elle.
La crise a toutefois permis une forte mobilisation et a contribué à créer un langage commun avec un « échange de bonnes pratiques », constate-t-elle.