Le projet de loi C-13 a déjà suscité plus de 200 propositions de modification, car le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau doit maintenant faire face à un comité dominé par les partis d’opposition.
On se souviendra que Pierre-Elliott Trudeau, pour contrer le mouvement séparatiste au Québec, avait fait adopter une première Loi sur les langues officielles en 1969, voulant ainsi démontrer aux Québécois qu’ils étaient chez eux partout au Canada et qu’ils pouvaient s’adresser au gouvernement fédéral en français. Trudeau père avait en même temps injecté des fonds fédéraux dans des organismes francophones à l’extérieur du Québec pour démontrer à la population québécoise que le français était encore bel et bien vivant partout au pays.
Depuis ce temps, la Loi a légitimé la lutte des francophones à l’extérieur du Québec pour faire valoir leurs droits. Comparant la situation des anglophones au Québec à la leur, ils avaient beau jeu de dénoncer la situation de deux poids, deux mesures qui prévalait au pays. Ils ont vu la Loi sur les langues officielles comme un appui à leur cause et un garant de la pérennité du français à l’extérieur du Québec.
Aujourd’hui, la Loi est devenue un terrain de bataille centré sur les préoccupations des Québécois, laissant les francophones hors Québec dans le rôle de spectateurs, faute de poids politique. Tandis que des libéraux fédéraux du Québec montent aux barricades pour défendre les droits des anglophones, les partis d’opposition refusent de retirer toute référence à la Charte québécoise de la langue française et le gouvernement du Québec insiste que les entreprises privées de compétence fédérale soient assujetties à cette Charte.
Quelle que soit la tournure que prendront encore les débats du Comité permanent, une vérité constante se dégage : le français est minoritaire au Canada et sa pérennité est menacée, contrairement à l’anglais. Depuis 1969, la majorité linguistique concède le moins possible à la minorité condamnée à la défensive. Ce bilinguisme de concession emprisonne les mentalités dans un jeu de pouvoir interminable.
Le Canada est encore loin d’un bilinguisme d’adhésion qui permettrait à sa population toute entière de s’ouvrir pleinement à deux vastes courants culturels porteurs d’une multiplicité de manières de voir et d’exprimer le monde dans lequel nous vivons. Si seulement il ouvrait la voie à une telle conception du bilinguisme, le projet de loi C-13 constituerait une véritable modernisation du régime linguistique du Canada.