Éducation, action civique, culture, Lucienne Loiselle a su laisser son empreinte.
Par Ophélie DOIREAU et Sophie GAULIN
La francophonie manitobaine pleure la perte de l’une des siennes. Lucienne Loiselle a su, à sa manière, marquer toute une génération. Robert Loiselle, son plus jeune fils, raconte : « Lucien et Lucienne sont des incontournables dans la francophonie. Ils font partie d’une génération qui en a tellement fait depuis les années 1970 qu’aujourd’hui, les jeunes francophones ne savent pas à quel point ils vivent dans une société façonnée grâce à leurs actions. Je pense au Festival, à l’Ensemble folklorique, à l’éducation. Ils ont toujours eu beaucoup d’énergie.
« Toutes les choses qu’on prend pour acquises aujourd’hui. Ce sont les fruits de luttes de générations passées. Et puis, il faut quand même dire que les femmes ont travaillé vraiment fort dans la communauté pour que les institutions puissent se mettre en place et fonctionner correctement. Le soir à la maison, on parlait toujours de ce qui se passait dans la francophonie manitobaine. »
En effet, Lucienne Loiselle a, entre autres, été enseignante. Elle est à l’origine du programme alternatif au Collège Louis-Riel, mais aussi du centre de ressources qui porte son nom, dans le même établissement.
D’ailleurs, David Dandeneau témoigne de la compassion dont pouvait faire preuve Lucienne Loiselle. « Lucienne avait le don d’aider les jeunes qui étaient peut-être un peu perdus parfois. Mes filles étaient au Collège Louis-Riel, Lucienne les a un peu pris sous ses ailes, elle a semé la confiance chez elles dont elles avaient besoin à l’époque. Si toutes les deux réussissent aujourd’hui, l’une comme designeuse et l’autre comme musicienne c’est quelque part grâce à Lucienne qui les a entourées et qui leur a montré qu’on pouvait réussir dans les arts aussi. Marie-Josée et Andréanne aimaient beaucoup Lucienne. »
Seconde chance
Et si Lucienne Loiselle a consacré toute sa vie à donner autant que possible c’est parce que la vie lui a fait un cadeau extrêmement précieux. Michel Loiselle, l’aîné des frères explique : « Si on regarde dans le passé, mon grand-père Victor Beaudry, était soldat pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors il y avait une bonne discipline à la maison. Ma maman avait une déficience à une valve au coeur, elle devait subir une opération alors qu’elle avait environ 18 ans. Sauf que cette dernière n’était pas couverte par le Manitoba. Mon grand-père a alors démarché le gouvernement pour qu’elle soit couverte par l’assurance.
« C’était une question de seconde chance avec la vie. Quand mon père a demandé la main de ma mère, mon grand-père ne lui a pas accordée parce qu’il n’était pas sûr qu’elle allait survivre. C’est ma grand-mère, Annette, qui a rattrapé l’histoire. Heureusement pour nous trois!
« Pour mes grands-parents, ma mère était spéciale. Elle a toujours apprécié cette deuxième chance et elle a tout fait pour lui donner sens. »
La vie lui a accordé une seconde chance qu’elle a pleinement saisie. Que ce soit côté culturel comme le souligne David Dandeneau : « Elle était très très fière de ses racines métisses. Dans les années 1970, Lucien et Lucienne avaient ravivé les gais manitobains qui est devenu l’Ensemble Folklorique de la Rivière Rouge. Et aujourd’hui l’Ensemble existe toujours (1). » Ou encore avec sa francophonie, toujours d’après David Dandeneau : « Lucienne c’est une femme qui avait beaucoup de ténacité. Sa francophonie, elle ne la lâchait pas.
Quand les choses semblaient partir dans une autre direction, elle arrivait à les ramener en convaincant les gens. Elle était très franche avec ses opinions. Les gens réalisaient souvent qu’elle avait raison. Surtout quand il était question de francophonie. »
Une ténacité qu’elle a su transmettre à ses trois enfants, comme le souligne Richard Loiselle, l’enfant du milieu. « On sentait le pouls de la francophonie manitobaine dans notre maison. Alors, on vibre pour cette francophonie. »
L’approche du Festival du Voyageur amplifie son souvenir. En effet, avec son mari Lucien Loiselle, ils ont été Voyageurs officiels en 1977, 1978, 1979 puis de nouveau avec d’autres anciens en 1989 pour le 20e du Festival du Voyageur (1). L’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba lui a dédié une soirée complète L’Auberge du violon, le 24 février. Cette soirée se déroulera au sous-sol de la cathédrale de Saint-Boniface.
Michel Loiselle résume son esprit en quelques mots : « Elle nous a certainement donné une belle philosophie de vie : Rien n’est vraiment insupportable. Il y a un mur ici, comment on peut passer par dessus, ou à côté ou même en dessous! Comment avancer dans la vie de façon positive? »
(1) Lucienne Loiselle a écrit dans une perspective historique et sociale un livre abondamment illustré à l’occasion du 50e anniversaire du Festival du Voyageur. Un livre paru aux Éditions des Plaines en 2019.