Par Michel COMTE et Mathiew LEISER
Avec des températures anormalement hautes en décembre et janvier – parfois à peine négatives -, Ottawa devrait enregistrer son troisième hiver le plus chaud, rapportent les autorités.
“Cette année, Mère Nature nous envoie un défi: avec la température clémente, on a du mal à bâtir une bonne glace solide”, lance Bruce Devine, gestionnaire de la patinoire pour Ottawa.
Pour que ce canal, qui s’étale en contre-bas des grands monuments de la capitale canadienne (parlement, sénat, université…) soit praticable, le mercure doit se maintenir entre -10 et -20 degrés pendant près de deux semaines.
“Actuellement, à plusieurs endroits, la glace est poreuse et de mauvaise qualité”, déplore le gestionnaire, alors qu’il inspecte un segment de la patinoire qu’il espère encore pouvoir ouvrir.
Habituellement accessible dès la fin du mois de décembre pour 30 à 60 jours, l’ouverture du canal se réduit progressivement ces dernières années.
En 2002, il avait fallu attendre le 2 février pour y patiner.
“De toute évidence, nous constatons de plus en plus les effets du changement climatique” au Canada et le canal est “exemple de la façon dont notre climat évolue”, a déploré mardi le ministre de l’Environnement canadien, Steven Guilbeault.
“Partie de l’ADN”
“J’ai tellement entendu parler du canal”, partage Lani Simmons, 46 ans, en visite des Bermudes. “J’aurais aimé pouvoir patiner dessus mais le mieux que je puisse faire maintenant c’est de simplement l’observer”, dit-elle se tournant vers le canal déserté.
Traversant le cœur d’Ottawa sur plus de 7,8 kilomètres, le canal Rideau, véritable symbole de l’histoire canadienne, attire en moyenne 22.000 visiteurs par jour. “Ca fait partie de l’ADN des résidents”, raconte Bruce Devine.
Chaque hiver s’y croisent en principe touristes et habitants qui s’en servent parfois, mallette à la main, pour se rendre au travail.
Pour tenter de préserver encore quelques années son trésor hivernal, la ville d’Ottawa a lancé il y a deux ans une série d’études pour “mieux comprendre la formation de la glace”, explique Shawn Kenny, professeur à l’Université Carleton d’Ottawa.
“L’objectif n’est pas nécessairement de rallonger la saison, souligne l’expert, mais d’essayer de favoriser la formation de la glace afin qu’à l’avenir, lorsque les effets du changement climatique se feront sentir, nous puissions profiter de ce lieu emblématique.”
Pour y parvenir, avec son équipe, il teste l’effet des canons à neige ou encore de thermosiphons, un outil utilisé dans le Grand Nord pour empêcher le dégel du permafrost sous les routes et bâtiments.
Malgré ces innovations technologiques, le professeur reconnaît que “nous finirons par arriver à un stade où il ne sera peut-être plus possible d’ouvrir la patinoire”.
Nouvel hiver morose
“Je pense que personne n’a jamais connu une telle situation”, lance Davey Wright, gérant des célèbres kiosques du canal où l’on peut déguster une queue de castor, une pâtisserie traditionnelle canadienne.
Après la pandémie et la crise des camionneurs qui a paralysé Ottawa durant plusieurs semaines l’hiver dernier, les commerces du centre-ville accusent le coup.
“Patiner sur le canal, c’est notre plus grande attraction. Ce dont les gens parlent, la raison pour laquelle ils reviennent”, explique Steve Ball, président de l’Association des hôtels d’Ottawa-Gatineau.
“On s’attend généralement à être complet”, ajoute-t-il. “Mais cela reste à voir. Sans le canal, ça pourrait être difficile d’y arriver.”
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