Devant un comité parlementaire, mercredi, il s’est aussi défendu d’entretenir des relations d’amitié avec Justin Trudeau.
Inès Lombardo — Francopresse
Venu « de sa propre initiative » au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, Dominic Barton a rappelé avoir quitté la firme McKinsey il y a trois ans et demi et avoir vendu toutes ses parts.
« Je n’ai plus rien à voir avec McKinsey Canada. Et je ne suis affilié avec aucun parti politique canadien ». Arrivé à McKinsey Korea en 1996, l’ex-PDG affirme que ses fonctions auraient été centrées sur le recrutement de personnel et non sur les opérations de la firme. « Je ne suis impliqué dans aucun des contrats que le gouvernement fédéral a octroyés à McKinsey », a-t-il insisté.
Avant d’être ambassadeur en Chine, Dominic Barton a été président « bénévole » du Conseil consultatif en matière de croissance économique du Canada dès sa création en 2016. Ce qui a laissé certains membres du Comité sceptiques. Mais l’ex-PDG a nuancé : « C’est tout à fait normal de faire du travail pro bono auprès de diverses organisations. C’est une manière de faire partie de la société. »
Accélérer l’immigration au Canada : une « recommandation »
D’après les révélations de Radio-Canada, au début janvier, Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC) est l’un des ministères qui a octroyé le plus de contrats à la firme ; soit près de 25 millions en huit ans.
Interrogé à ce propos, Dominic Barton a esquivé : « Il faut que vous posiez la question à l’équipe de McKinsey responsable de ce dossier ».
Dominic Barton a ensuite certifié que c’était le Conseil consultatif en matière de croissance économique qui avait formulé une recommandation sur les cibles d’immigration et non « L’Initiative du siècle » [en anglais], un groupe proche de McKinsey qui préconise des politiques et des programmes qui porteraient la population du Canada à 100 millions d’ici à 2100.
Le gouvernement a suivi la cible recommandée de 450 000 immigrants proposée par le Conseil consultatif en 2016.
Des témoignages contredisent Barton sur sa relation avec Justin Trudeau
La question la plus fréquente pendant le Comité permanent des opérations gouvernementales et prévisions budgétaires a porté sur la relation entre Barton et le premier ministre Trudeau.
« J’ai une relation professionnelle avec [Justin Trudeau]. Je le respecte, je n’ai pas son numéro de cellulaire personnel, je ne suis jamais seul avec lui », a martelé Dominic Barton.
Ce dernier assure l’avoir rencontré pour la première fois en 2013, avant que Justin Trudeau ne soit élu premier ministre. « Le Conseil de croissance était le seul sujet de nos réunions. Et aucun personnel de McKinsey ne l’a rencontré à ce que je sache », a-t-il lâché.
Des députés conservateurs au Comité ont exposé des citations de libéraux, dont de la ministre des Finances Chrystia Freeland, qui avait décrit une relation de proximité entre les deux hommes quand Dominic Barton a été nommé ambassadeur en Chine.
« La Chine a été le dossier le plus difficile de toute ma carrière. Et voilà que je suis dépeint dans les médias comme une marionnette. C’est frustrant, car ce n’est pas ce que je ne suis ni ce que je fais. Et cela m’afflige », a-t-il souligné en comité.
La fonction publique, une clé pour cesser de recourir à des firmes externes selon Barton
La députée libérale de Terre-Neuve-et-Labrador, Joanne Thompson a demandé à Dominic Barton ce que le gouvernement pouvait faire pour éviter l’externalisation de conseils du gouvernement. « Il faut que la fonction publique joue son rôle, car elle est d’une grande qualité. Mais ils ont été débordés ces cinq dernières années. Les ressources humaines, la formation, la progression professionnelle et le mentorat sont faibles. »
Purdue Pharma, des millions de morts et une « erreur »
Les conservateurs et le NPD ont ensuite blâmé Dominic Barton pour les travaux de la firme McKinsey auprès de Purdue Pharma aux États-Unis et au Canada. Un élargissement de l’accès aux opioïdes en aurait découlé et causé la mort de millions de personnes dans les deux pays.
« Ce travail était légal, mais ne répondait pas à nos normes. Je le regrette, nous n’aurions pas dû nous y livrer, c’était une erreur. Mais il y a une grande différence entre ce travail et de dire que nous sommes les architectes de ce travail », s’est-il défendu.
Sous les critiques du conservateur Garnett Genuis, Dominic Barton assure n’avoir entendu parler des contrats avec Purdue Pharma seulement après avoir quitté son poste au sein de McKinsey et lorsque les poursuites judiciaires ont commencé.
« Je ne vous crois pas, a lancé le député Genuis, très en colère, au même titre que son homologue du NPD, Gord Johns. Vous auriez dû savoir que McKinsey travaillait pour Purdue Pharma. »
À la fin de son témoignage, Barton a lâché aux députés du Comité : « Vous avez exagéré. Oui McKinsey a fait des erreurs, mais si vous regardez les impacts de ce qu’on fait à travers le monde, c’est significatif. Vous avez exprimé des vues extrêmes sur notre entreprise. »
Le député du NPD Gord Johns a déposé une motion pour que les dirigeants des firmes d’experts-conseils comme Accenture, Deloitte ou KPMG, qui ont passé des contrats fructueux avec le gouvernement fédéral, comparaissent devant le Comité.
- Dominic Barton: Flickr CC BY 2.0 —U.S. Department of Agriculture —Bob Nichols