Depuis 10 ans maintenant, Robert Loiselle fabrique, à la demande du Festival du Voyageur, des bonhommes gigueurs, sculptures de bois typiques du patrimoine franco-canadien. Cette année, le festival lui a passé une commande record de 1 000 bonhommes. Un défi important.
Quand on rentre dans le garage de Robert Loiselle, reconverti en atelier, le bois, les machines, les lunettes, le casque et chaque pièce qui permet d’assembler le bonhomme, tout a une place bien définie. En effet, pour pouvoir honorer cette importante commande, l’organisation est primordiale.
Mais avant d’en arriver là, Robert Loiselle raconte la grande histoire du bonhomme gigueur. « C’est un jouet qui fait partie du folklore du patrimoine des francophones au Canada. Mais au départ, ça vient de l’Est, ça vient du Québec. Mon arrière-grand-père Bélanger, il en avait un. L’idée derrière le bonhomme gigueur, c’est que ça permet aux jeunes, mais aussi aux moins jeunes de danser. Si on retourne dans le temps, soirée dansante, la francophonie, le violon, la guitare, la chanson, on avait parfois les plus petits qui étaient trop dans les pattes des grands. On leur donnait alors un bonhomme gigueur pour qu’ils puissent eux aussi danser. »
Et dans la grande histoire, il y a aussi pleins de plus petites histoires. Comme celle de la famille de Robert Loiselle. Ses parents, Lucien et Lucienne Loiselle, ont notamment été Voyageurs Officiels du Festival à la fin des années 1970. En 1982, Robert Loiselle a 13 ans et de son propre aveu, il est un garçon « très énergique ». Sa mère, pour l’occuper, lui lance alors un défi : fabriquer des bonhommes gigueurs pour le Festival du Voyageur. « Je me suis dit pourquoi pas! Mon grand-père, Victor Beaudry, était prêt à m’aider et m’a laissé utiliser son atelier. On a fini par en produire 100, à la main. »
« Si on retourne dans le temps, soirée dansante, la francophonie, le violon, la guitare, la chanson, on avait parfois les plus petits qui étaient trop dans les pattes des grands. On leur donnait alors un bonhomme gigueur pour qu’ils puissent aussi danser. »
Robert LOISELLE
| Le festival est en demande
Le temps est passé, Robert Loiselle a grandi, il est désormais enseignant à l’École Précieux-Sang, mais les bonhommes gigueurs sont encore dans sa vie. En 2013, le Festival du Voyageur revient vers lui et demande de relancer ce jouet dans le cadre du programme scolaire du festival. Des jeunes impliqués s’en vont alors au Parc du Voyageur et peuvent faire la manufacture de ce bonhomme en bois de leur patrimoine culturel.
Mais, déjà, à cette époque, on demande à Robert Loiselle d’en fabriquer beaucoup plus que prévu. « Il en fallait 350, puis c’est devenu 400, 500, 600! Là, je me suis dit ce n’est pas possible. J’avais besoin de plus de temps et plus d’aide. Ma famille a alors embarqué dans le projet pour me donner un coup de main. »
Pendant la pandémie, l’activité de Robert Loiselle n’a pas non plus ralenti. C’est même le contraire, car les écoles pouvaient commander directement en ligne leurs kits de bonhomme.
Colin Mackie est directeur des programmes du patrimoine et de l’éducation au Festival du Voyageur. Il est à l’origine de la commande de 2023. « Les enseignants dans les écoles sont toujours à la recherche de ces jouets pour leurs écoles. Ce sont toujours les bonhommes gigueurs qui sont vendus les premiers. C’est un bricolage que les élèves aiment faire et ça représente bien le folklore du festival. »
Colin Mackie indique aussi que tous les bonhommes de Robert Loiselle sont déjà vendus. Le festival couvre les coûts de production de Robert Loiselle et un kit est vendu 5 $ l’unité. Et malgré la variation du prix du bois notamment, le Festival n’a pas voulu modifier le prix d’une trousse pour qu’elle reste accessible au plus grand nombre. D’ailleurs, les écoles qui en commandent viennent de toute la province et même en dehors. « Il n’y a pas que des écoles francophones, il y a aussi des écoles d’immersion et des écoles anglophones. On a aussi des commandes en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, du nord-ouest de l’Ontario. »
| Des mois de travail
Alors que le Festival commence dans quelques semaines, c’est en ce moment que Robert Loiselle doit commencer à livrer les kits. Au moment de cet entretien (18 janvier), l’enseignant en était à 700 bonhommes gigueurs. Il a commencé par récupérer le bois au mois d’août et depuis il travaille sur la fabrication petit à petit. Au maximum cette année, une dizaine de personnes l’ont aidé. « Je suis en train de finir, je suis en plein dedans, car Colin Mackie a déjà commencé à livrer les premières trousses aux écoles. »
Désormais rendu à une production annuelle importante, est-ce que Robert Loiselle aurait envie d’en faire un business à l’année longue? « C’est vrai que ça devient quasiment industriel maintenant (rires). Pour en faire plus, ça prendrait des partenariats avec des écoles par exemple et surtout encore plus d’organisation. Mais jusqu’à date, ça reste patrimonial, local et peut-être un jour je passerai le projet à quelqu’un d’autre pour un legs à la communauté. »