Comme d’autres industries, le monde de l’audiovisuel a aussi un impact non négligeable sur l’environnement. Et tout comme les autres, ce monde va devoir réduire ses émissions de gaz à effet de serre. C’est en partant de ce constat qu’a été créé On tourne vert, un programme qui souhaite faciliter l’adoption de gestes écoresponsables lors de productions audiovisuelles.
Par Jonathan SEMAH
Selon une étude de l’association française Ecoprod réalisée en 2020, le secteur de l’audiovisuel et du cinéma rejette 1,7 million de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année. Par exemple, un film à gros budget (environ 115 millions $ canadiens) a un impact de 2 840 tonnes de CO2. Cela comprend notamment la consommation d’électricité, le carburant pour le transport, ou encore le chauffage. Ce genre de film a aussi une empreinte environnementale importante, car elle suppose la multiplication des lieux de tournage et donc des transports, selon la même étude.
Amandine Gournay est conseillère en développement durable pour le Conseil québécois des évènements écoresponsables. Avec l’appui du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec et de Québécor, les trois organismes ont mis en place en 2021 le programme On tourne vert. L’objectif : faciliter l’adoption de gestes écoresponsables lors des productions audiovisuelles.
« Nous avions aussi constaté l’impact écologique très important de ce secteur. Nous avions des chiffres à l’inter-national sur ce que représente la production audiovisuelle. À l’instar de grands studios de l’Ouest canadien, des États-Unis, de la France et de l’Australie, le virage vers l’écoresponsabilité pour les plateaux de tournage québécois était donc une priorité afin de se positionner comme un leader en productions audiovisuelles écoresponsables. »
| Un suivi précis
Concrètement, On tourne vert propose trois niveaux d’accréditation : le niveau engagement, le niveau performance et le niveau excellence. Pour obtenir l’une des trois accréditations, les productions doivent mettre en place une série de mesures écoresponsables sur leur plateau et être en mesure de démontrer les actions mises en place. À date, une quinzaine de productions ont eu une de ces accréditations. Si pour le premier niveau les critères sont plutôt légers (mettre en place au moins 12 actions écoresponsables sur un tour-nage par exemple), les deux autres niveaux requièrent un suivi plus pointilleux.
« Pour l’instant, ce sont surtout les productions qui viennent vers nous. En général, nous faisons une première rencontre pour comprendre les besoins et le niveau d’implication.
« Si nous nous en allons vers les niveaux deux et trois, cela nécessite un audit et une visite en personne sur le plateau. On s’assure que les exigences sont respectées, on prend aussi quelques photos en guise de preuves. Par la suite, quand le dossier est complété, il est soumis à un comité composé d’experts de l’audiovisuel et de l’environnement », explique Amandine Gournay.
En plus de ces trois niveaux, le programme On tourne vert propose aussi des bonnes pratiques pour rendre une production plus verte. L’initiative s’appuie aussi sur un calculateur carbone développé par Albert, un organisme fondé en 2011 au Royaume-Uni. Cet outil permet à toutes les productions, quel que soit leur genre ou budget, du début de la préproduction jusqu’à la fin de la postproduction, de mesurer leur empreinte carbone. Il offre également un plan de réduction de cet impact.
« On donne quelques conseils, on propose notamment un répertoire de fournisseurs. Par exemple, une production recherche un traiteur écoresponsable, il est possible de le trouver sur cet outil. Puis, deux fois par an, la Ville de Montréal finance un accompagnement de notre part d’une vingtaine d’heures. Là, on va plus en profondeur sur la gestion des matières résiduelles ou encore l’approvisionnement responsable », indique Amandine Gournay.
| Un secteur conscient de son impact
Si aujourd’hui On tourne vert est proposé en priorité aux productions québécoises, il n’est pas impossible qu’il s’ouvre à des collaborations avec d’autres provinces selon Amandine Gournay.
D’ailleurs, au Manitoba, province connue pour accueillir régulièrement des équipes de tournage, il existe un projet plus ou moins similaire. En effet, la société Manitoba Film & Music détient depuis 2017 une licence créée en Colombie-Britannique appelée Reel Green. Comme On tourne vert, sa mission est d’accélérer l’évolution et la mise en oeuvre de pratiques durables dans l’industrie cinématographique. Et comme On tourne vert, Reel Green offre des formations ou l’utilisation d’un calculateur de carbone.
« Au Manitoba, le programme est une initiative très populaire qui valorise le savoir collectif, l’inspiration et l’autonomisation », indique Janice Tober, directrice marketing et communications de Manitoba Film & Music.
Toujours selon Janice Tober, c’est un défi très important auquel les productions sont de plus en plus vigilantes. « En plus d’être la bonne chose à faire, c’est quelque chose que les studios commencent à demander, et nous répondons à cet appel. »