Alors que depuis le 8 décembre les pièces à l’effigie du nouveau roi d’Angleterre Charles III ont été mises en circulation au Royaume-Uni, la Monnaie royale canadienne attend encore des directives du gouvernement fédéral.

À cette occasion, des voix se sont élevées pour y mettre des visages canadiens au lieu du monarque britannique.

Par Jonathan SEMAH

Période délicate pour l’image de la monarchie britannique au Canada. En septembre 2022, un sondage de la firme Léger indiquait que 77 % des Canadiens et Canadiennes disaient ne pas être attachés à la monarchie britannique. À l’automne, le Québec a aboli le serment au roi comme obligation pour pouvoir siéger à l’Assemblée nationale du Québec.

Enfin, à la mi-décembre, Rhéal Fortin, député du Bloc québécois pour Rivière-du- Nord, a appuyé dans ce sens en suggérant que les effigies de la Couronne soient remplacées par des figures de l’histoire canadienne. « Il y a eu le décès de la Reine. Depuis, un peu partout dans le Commonwealth, les États doivent redéfinir l’identité des prochaines monnaies. Alors c’est peut-être un bon moment pour revoir notre idée d’avoir la photo de la reine ou du roi britannique sur nos pièces de monnaie.

« Il faudrait donc revoir ça et remettre la monnaie canadienne au goût du jour, la moderniser. Elle devrait mieux refléter les valeurs des Québécois, Québécoises, Canadiennes et Canadiens. L’effigie royale n’a plus vraiment sa place sur la monnaie canadienne. Je pense que c’est une idée valable qui devrait être considérée », explique Rhéal Fortin.

| Aucune obligation légale

Pour rappel, aucune loi n’oblige de choisir le successeur de la Reine comme prochain visage de la monnaie canadienne, c’est au gouvernement fédéral de décider. Et en ce qui concerne l’impression des billets de banque, cela relève de la responsabilité de la Banque du Canada. « Ça pouvait se comprendre il y a 150 ans, quand les institutions canadiennes se considéraient comme étant assujetties à l’autorité britannique.

« Mais aujourd’hui, qu’on soit d’accord ou pas avec l’appartenance à la royauté britannique, il n’en demeure pas moins qu’on est tous conscient que le Canada est quand même différent de l’Angleterre. On a des valeurs et des points de repère dans l’histoire différents de la société britannique. »

C’est en partant de ce constat que le député bloquiste aimerait plutôt voir le faciès des grandes femmes et grands hommes de l’histoire canadienne prendre place sur nos pièces de monnaie. L’homme politique pense notamment à Marguerite Bourgeoys, à Louis-Joseph Papineau ou encore à Louis Riel.

« Ça ne fait pas partie de mon mandat de définir quels sont les personnages canadiens qui devraient être vénérés, entre guillemets, par le gouvernement fédéral.

« Mais oui, je pense que Louis Riel, notamment, est une personnalité marquante dans l’histoire du pays. Même au Québec, on est très sensible à son histoire, à son courage. Cet homme s’est tenu debout devant les Britanniques à l’époque, alors pourquoi ne pas lui rendre hommage et souligner sa participation à la société dans laquelle on vit présentement? »

| Une proposition qui intéresse

La proposition du député Rhéal Fortin a d’ailleurs fait son chemin jusqu’au Manitoba, où Louis Riel occupe une place fondamentale. Cette idée plaît notamment à André Carrier, vice-président de la Fédération métisse du Manitoba (FMM). « Ce serait une grande démarche positive pour la réconciliation et [permettrait] de remettre Louis Riel à l’avant-plan dans l’histoire du Canada », a-t-il déclaré dans un entretien donné à Radio-Canada Manitoba à la mi-décembre.

À date, Rhéal Fortin n’a pas eu de retour de Chrystia Freeland, la vice-première ministre et ministre des Finances du Canada. Le plus important selon lui, c’est que son idée soit lancée et qu’elle ouvre le débat. « Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de monde au Québec ou même au Canada qui soit traumatisé ou blessé par le fait que les prochains dollars canadiens soient à l’effigie de Louis Riel ou de Marguerite Bourgeoys plutôt qu’à l’effigie du roi. Inévitablement, une transition arrivera. »

En attendant, d’un point de vue technique, la Monnaie royale canadienne se dit prête à effectuer les changements nécessaires et à graduellement mettre en circulation de nouvelles pièces. En revanche, dans le cas d’un nouveau motif, il faudra être patient pour voir de telles pièces, selon Alex Reeves, chef principal des affaires publiques de l’institution. « De la conception d’un nouveau motif à son approbation, jusqu’à la production de l’outillage nécessaire à la production des nouvelles pièces, l’attente se comptera plutôt en mois. »

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