À l’âge de 72 ans, Denis Damphousse a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer. Décédé en novembre 2013, sa vie a pu être agréable grâce à l’aide apportée par la Société Alzheimer du Manitoba. Son fils, Dan Damphousse, se fait son porte-parole pour sensibiliser au travail de l’organisme. Entrevue réalisée pour souligner le mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer.
Par Ophélie DOIREAU
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Avant de commencer l’entrevue, Dan Damphousse tient absolument à me faire visionner une vidéo de son père. Celle-ci date de Noël 2012. Denis Damphousse est déjà dans un foyer de soins de longue durée à Sainte-Anne, il est souriant et parle avec son fils. Il se permet même quelques blagues avec lui. Pour Dan Damphousse, c’était important d’entendre son père rire. D’ailleurs, c’était son objectif à chaque visite.
Depuis le décès de son père en novembre 2013, il reste important pour lui de témoigner de son expérience comme proche, et de l’aide procurée par la Société Alzheimer du Manitoba.
| Sensibilisation
« Mon père était agriculteur, il avait une ferme à Letellier. Il a vécu toute sa vie sur cette ferme avant de partir pour le foyer de soins. Toute sa vie, il a récolté du blé, de l’orge, des betteraves, des pois et toutes sortes d’autres céréales. Avant ma naissance, il avait même des vaches. C’était une grosse exploitation, mon père travaillait avec trois de ses frères. »
Denis Damphousse était donc quelqu’un de très actif et qui aimait les grands espaces. À la suite de la retraite de ses frères, il décide qu’il est temps pour lui de s’arrêter aussi. Il vend l’exploitation et déménage en 1995 à Île-des-Chênes avec son épouse, Yvette Damphousse. « Il avait trois soeurs qui vivaient déjà à Île-des-Chênes. C’était quelque chose qui faisait du bon sens pour lui, de se rapprocher de sa famille. »
Peu de temps après leur emménagement, en 2001, le diagnostic tombe pour Denis Damphousse : il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Pas question de rester à se lamenter, comme le raconte son fils. « Il a continué d’aider la communauté autant qu’il pouvait. Il adorait conduire les tracteurs, alors il tondait le gazon pour des voisins, il prenait soin des jardins et du parc près de chez lui. Même en hiver, il était toujours dehors en train de souffler la neige! »
| Appréhender l’inconnu
Si la maladie est une réalité dans la vie de Denis Damphousse, elle l’est tout autant pour son entourage. Même avant le diagnostic. « Dans la famille, on voyait qu’il commençait à se répéter à certains moments. Il a fallu un moment pour être capable d’en parler ouvertement avec d’autres membres de la famille, parce qu’il y avait beaucoup de peur.
« On voulait croire que c’étaient des petits oublis. Mais lorsque les oublis ont été plus fréquents, on voyait bien qu’il y avait plus que juste des petits oublis ou juste des petites répétitions.
« C’est difficile de voir quelqu’un qu’on aime souffrir. »
Il a fallu convaincre Denis Damphousse d’aller voir des médecins et des spécialistes. « C’était difficile de le con-vaincre parce que j’imagine qu’il était frustré à un certain point que certains mots ne lui viennent pas ou de se répéter. Il y avait beaucoup de peur, de craintes et d’inconnu. Je ne me rappelle plus exactement du jour du diagnostic, sauf que la maladie ne datait pas d’aujourd’hui. Elle avait déjà progressé. »
En effet, la maladie d’Alzheimer est une maladie progressive dégénérative du cerveau. Elle peut affecter des personnes dans la quarantaine.
Si, à l’heure actuelle, les chercheurs continuent de travailler pour comprendre le rôle de la génétique dans la maladie d’Alzheimer, on sait qu’il est possible d’avoir des prédispositions. On parle alors de maladie d’Alzheimer dite « familiale » ou « héréditaire ». Elle représente moins de 5 % des cas de la maladie. Dans la famille de Dan Damphousse, leur grand-mère paternelle avait elle aussi « des petits oublis ».
| Un sentiment d’abandon
Ce qui est certainement le plus cruel dans cette maladie, c’est que les proches voient peu à peu un être aimé s’éloigner de leur réalité. Yvette Damphousse a accompagné son mari pour les soins primaires. « Mon père se levait plusieurs fois dans la nuit, il se perdait, alors ma mère devait le faire revenir dans la chambre et lui expliquer ce qui se passait. Elle souffrait d’un manque de sommeil et à un moment donné, elle était à terre.
« Prendre soin d’une personne, c’est s’oublier complètement. On a alors décidé de le placer à la Villa Youville. Le plus difficile a été de l’installer et de le laisser. Il ne comprenait pas ce qui se passait. On avait ce sentiment qu’on l’abandonnait. C’était difficile. Mais il faut souligner que le personnel et les bénévoles ont vraiment été extraordinaires. »
Pour traverser cette période remplie d’incertitudes, Dan Damphousse et le reste de la famille ont pu compter sur la Société Alzheimer du Manitoba. « Il y a beaucoup de groupes de soutien, que ce soit pour la famille ou pour les gens qui vivent avec la maladie.
« Je me souviens de la première fois que je suis allé dans un groupe de soutien. C’était plutôt pour soutenir ma mère. Je ne pensais pas en avoir besoin. Au fur et à mesure des histoires, je voyais des points communs avec mon père, alors c’était rassurant de ne pas se sentir seul. J’ai continué d’aller à ces groupes.
| Ne pas se sentir seul
« Grâce aux groupes de soutien, on a aussi pu développer différentes approches avec mon père. Au début, je voulais tout le temps le corriger lorsqu’il se trompait. Sauf qu’il était très frustré et il se renfermait sur lui-même. Je corrigeais SA réalité. Ce n’était pas une bonne chose. Par la suite, j’ai embarqué dans sa conversation peu importe où elle nous menait. »
Avec son expérience personnelle, Dan Damphousse a décidé de donner de son temps à la Société Alzheimer du Manitoba. « Le travail que fait la Société Alzheimer du Manitoba est impressionnant. Ils sont à l’écoute des familles, et des personnes atteintes de la maladie. Ils ont beaucoup de ressources pour qu’on ne se sente pas seul. C’est essentiel. »