Depuis déjà plusieurs mois, la clinique sans-rendez-vous du Centre de santé de Saint-Boniface connaît des réductions d’heures d’ouverture voire des journées de fermeture. En cause : la pénurie de personnel.
Par Ophélie DOIREAU
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Sur le site de l’Office régional de la santé de Winnipeg, c’est plus de 185 pages où les postes vacants d’infirmiers et d’infirmières sont affichés. Cette pénurie de personnel affecte alors toutes les institutions de santé à Winnipeg. C’est en tout cas, ce que vit la clinique sans-rendez-vous du Centre de santé de Saint-Boniface qui depuis plusieurs mois doit réduire ses heures d’ouverture ou bien fermer complètement certains jours.
Rémi Gosselin, président du CA, admet l’inconfort de la situation. « C’est un problème plus large que simplement ce qui arrive à la clinique sans-rendez-vous de Saint-Boniface. La réalité c’est qu’il y a une pénurie d’infirmiers et d’infirmières praticiennes à Winnipeg et à l’échelle du pays (1). Ce qui exacerbe le problème pour la clinique sans-rendez-vous de Saint-Boniface, c’est que le bassin de recrutement, qui est déjà limité, l’est davantage pour nous puisque notre personnel doit être bilingue. »
| Postes vacants
À l’heure d’écrire ces lignes, les cinq postes d’infirmiers et infirmières praticiennes sont tous vacants. Rémi Gosselin détaille l’organisation en interne. « À l’instant, on travaille avec des médecins surnuméraires et avec les médecins, infirmiers et infirmières de la clinique de soins primaires. Les médecins se retrouvent à faire des heures supplémentaires. Bien que la solution soit temporaire, on ne pense pas qu’elle va se résorber de façon immédiate.
« D’ailleurs, au Centre de santé de Saint-Boniface, nous essayons d’être proactifs face à cette réalité. Nous sommes en train d’explorer la solution d’embaucher des médecins adjoints. La différence entre un médecin adjoint et un médecin de famille, c’est que le médecin adjoint a seulement deux ans de travail pratique au lieu des quatre nécessaires pour être reconnu par l’Ordre des médecins. Encore là, le bassin de recrutement est limité et nous ne pouvons pas concurrencer les pourvoyeurs de soins privés qui offrent des salaires plus élevés. »
Dans les trois derniers mois, Winnipeg a perdu 17 médecins de familles. Soit parce qu’ils ont déménagé, soit ils ont pris leur retraite ou alors ils ont fermé leur cabinet. Pour le président du CA, la situation au Canada devient préoccupante pour le système de santé. « On voit aussi la même situation au Québec, où le gouvernement a fait une annonce comme quoi il y aurait 5 000 postes à combler. C’est le contrecoup de la pandémie et de l’épuisement professionnel. Recevoir des services dans le système de santé actuel est extrêmement difficile. »
| Stratégies de recrutement
Depuis plusieurs années le Centre de santé de Saint-Boniface a mis en place quelques stratégies de recrutement comme en parle Rémi Gosselin. « Il y a une bourse de recrutement. Nous payons jusqu’à 15 000 $ de frais pour les études des personnes qui veulent devenir infirmiers ou infirmières praticien.nes. C’est en échange d’un contrat de services de quelques années. Il y a du succès à ce programme. Mais pour des raisons professionnelles, certains quittent pour vivre de nouvelles expériences.
« Nous travaillons avec l’Université de Saint-Boniface. Ce qu’on souhaiterait mettre sur pied avec eux c’est un programme bilingue, soit avec une université dans l’Est ou avec l’Université du Manitoba, qui pourrait diplômer davantage d’infirmiers ou d’infirmières praticien.nes. C’est évidemment un projet de longue haleine qui ne va pas résoudre le problème actuel. »
Pour palier cette pénurie de main d’oeuvre, l’immigration et le recrutement interprovincial pourraient être des solutions. Or, les exigences linguistiques imposées par le Collège des infirmiers et des infirmières restent un obstacle conséquent. Rémi Gosselin souligne le travail qui se fait en coulisse. « L’Université de Saint-Boniface, Santé en français, le Secrétariat aux affaires francophones de la province en partenariat avec le Collège des infirmiers et des infirmières travaille pour voir comment ces exigences linguistiques pourraient être un petit peu plus souples. Il y a beaucoup de travail à faire. Dans le fond, les dossiers médicaux doivent être disponibles en anglais parce que le système fonctionne en anglais. C’est une entrave qui existe. »
| Décisions politiques
Contactée par La Liberté, Adrien Sala, député dans le quartier de St. James pour le Nouveau Parti démocratique et critique en matière de services en français pointe les décisions du gouvernement progressiste-conservateur. « Les coupures du gouvernement progressiste-conservateur sont durs pour les Manitobains et Manitobaines. On voit que les salles d’urgences pour les enfants sont débordées et il y a plus que jamais un grand besoin pour les cliniques médicales. Le gouvernement progressiste-conservateur devrait appuyer les cliniques médicales au lieu de les couper. »
La Liberté a sollicité plusieurs fois le ministère de la Santé pour tenter de savoir les mécanismes à l’oeuvre pour palier cette pénurie de personnel à l’échelle provinciale. Aucune réponse ne nous a été fournie.
(1) Pour devenir infirmier ou infirmière praticien.ne, il faut avoir compléter un baccalauréat de quatre ans en sciences infirmières et un maîtrise de deux ans en soins infirmiers praticiens. Rémi Gosselin fait savoir que pour les personnes intéressées à postuler au Centre de Saint-Boniface, il est possible de les contacter.